Pour ceux qui auraient loupé le début de l’histoire.
Mégane pédale depuis bientôt une heure. Ni elle ni Hector ne parlent. Le vélo de Mégane avance sous un soleil de plomb qui semble plaquer ses passagers au sol et chaque coup de pédale mobilise toute son énergie. Hector, sagement assis dans le panier accroché au guidon du vélo parait lui-même assommé par la chaleur. Il garde les yeux obstinément fixés sur la route, comme si elle s’apprêtait à lui révéler les secrets qu’ils cherchent. Et puis, au détour du chemin, le paysage change brusquement. La végétation sèche de la lande laisse place à une étendue quadrillée, à l’arrangement rectiligne. Un damier géant, dans lequel les nuages se reflètent par intermittence, comme dans un miroir. Mégane ralentit et finit par poser pied à terre, à quelques mètres du premier emplacement recouvert par l’eau de mer.
– Nous y sommes Hector, les Marais salants.
– Wahoo, j’avoue que je ne m’attendais pas à cela. C’est un paysage lunaire…
– Oui c’est un peu spécial, mais j’aime beaucoup cet endroit, je m’y sens bien. Et maintenant alors ? Qu’est-ce qu’on fait ?
– Je ne sais pas… J’imaginais qu’une fois sur place, nous aurions une sorte d’illumination…
– Mmmm… Cela m’a semblé une bonne idée quand tu en as parlé. Là, j’avoue que je ne sais plus trop où aller.
– Avançons encore un peu, nous trouverons peut-être l’inspiration plus loin ?
Mégane redresse son vélo et s’enfonce un peu plus dans les Marais, la où le chemin est maintenant bordé, de part et d’autre, de ces bassins rectangulaires si caractéristiques. Mégane et Hector scrutent les environs, le bruit distinct des pneus sur le gravier du chemin empli tout l’espace, renforçant encore cette impression de vide.
– Je ne sais pas à quoi nous pensions, il n’y a rien ici, ce n’est qu’un grand dessert de sel et d’eau…
– Là !
– Quoi, là ?
– La maison, tu ne la vois pas ?
Mégane oblige ses yeux à forcer le barrage de lumière qui lui obstrue la vue pour distinguer une forme noire qui semble effectivement émerger de cet espace immaculé.
– Tu es sûr que c’est une maison ? Qui habiterait en plein milieu du Marais ?
Hector s’agite dans son panier et finit par sauter au bas du vélo.
– Il nous faut aller voir de plus prêt. Tu viens ?
Mégane et Hector slaloment entre les différents bassins, portés par l’espoir d’une découverte à venir. Ils gardent la maison à l’horizon comme point de mire, mais elle reste cet animal étrange à l’horizon qui refuse de se laisser approcher. En se retournant, Mégane estime le chemin parcouru.
– Cela fait plus d’un quart d’heure que nous marchons, je ne vois même plus le vélo, par contre la maison parait toujours aussi loin… C’est pas normal !
– Non… Je suis d’accord… Peut-être que c’est un mirage ? Cet endroit ressemble déjà tellement à un désert… Refais voir la carte du livre, s’il te plait Mégane?
Mégane farfouille un instant dans le sac en tissus qu’elle a emporté avec elle, et en sort le livre de Stevenson. Elle l’ouvre en toute fin d’ouvrage pour consulter la carte, mais le papier est si blanc qu’il aveugle Hector & Mégane l’espace d’un instant. Mégane finit par poser le libre au sol pour s’interposer entre le soleil et les pages du livre.
Le triangle écarlate entre les trois royaumes émergent finalement de la page, mais cette fois une étrange tache noire est apparue entre l’image des Marais Salants et celle de la Cabane de la forêt.
– Qu’est-ce que c’est que cette tache, elle a une forme bizarre…
Hector se rapproche et frotte la forme indistincte de sa patte, mais a sa grande surprise, la tache apparaît alors sur sa patte, comme si elle pouvait sauter d’une matière à l’autre.
– Qu’est-ce que… Quoi ?
Mégane approche sa main à son tour et lorsqu’elle tente de toucher la tache, celle-ci apparaît également sur sa main.
– C’est une ombre !
Mégane se relève aussitôt et laisse le soleil inondé la page de sa lumière. La tache a disparu. Et elle réapparaît à chaque fois que Mégane ou Hector se met en travers de la lumière du soleil pour protéger la page.
– Étonnant… Tu crois que cela veut dire quoi ?
– Aucune idée. Par contre, regarde, il me semble que la cabane symbolisant le « Royaume des Esprits » est plus grosse qu’auparavant.
– Ah oui, tu as raison…
– Comme si nous nous étions rapprochés ?
– Tu crois?! Ah oui, ça se pourrait bien ! Et cette tache, ça serait…
– Nous ! La carte réagit comme un GPS…
– Si c’est ça, cela voudrait dire que nous sommes en train de suivre les contours du triangle lorsque nous devrions nous diriger vers son centre.
Cette découverte bouscule complètement les plans de Mégane et Hector qui relèvent la tête en même temps dans la direction que la carte indique pour le « Royaume du Château Noir ».
– Ça alors, tu vois ce que je vois ?
– La Tour du château d’Archibald !
– Nous sommes sur le bon chemin Mégane. Nous n’avons pas besoin d’aller jusqu’à cette maison, elle n’est qu’un repère. Il ne nous reste plus qu’a couper à travers champs, en direction de la tour, pour nous rapprocher du centre du Triangle et de l’emplacement du trésor…
La suite d’ici une quinzaine de jour ! A très vite…