Ton visage est resté incrusté dans ma rétine. Comme une rémanence du soleil de cet été 1993. Cet été-là, nous fêtions tout deux nos dix-huit ans. Après toutes ces années de jeux complices, d’insouciance, c’était la première fois depuis notre enfance que nous nous regardions avec ces yeux-là. Le premier jour des vacances, au milieu des copains, nous avions l’habitude de courir en riant jusqu’à la plage, mais pas cette année-là. Cette année-là, nous étions restés en arrière, traînant les pieds, étonnamment maladroits, le cœur lancé a cent à l’heure sur une route escarpée, pleine de dangers inconnus. Le regard remplis de nouvelles incertitudes, de nouveaux espoirs. En arrivant à la crique, nos doigts s’étaient enlacés et ce simple geste donnait à l’endroit des couleurs d’une intensité inédite. Le soleil tapait plus fort, les roches paraissaient plus saillantes, les odeurs du maquis se faisaient plus sauvages, presque animales. Tes yeux fixés sur moi comme une caresse, la promesse d’une reddition éternelle. Ton sourire éclatant lorsque tu surprenais les miens sur toi. Ce jeu, qui consistait à se frôler, à se faire frissonner à distance, en secret du reste du monde. Et puis ces moments d’une intimité douloureuse et sublime, qui nous laissaient tout deux si vulnérables. À la merci l’un de l’autre, prisonniers volontaires d’une sentence dont nous ne connaissions rien. C’était, il y a plus de vingt ans et tu continues d’occuper mes pensées, malgré moi. Dans la courbe d’une nuque, dans la force d’une main, tu réapparais, tel un fantôme qui n’en finit pas de me hanter. Je retrouve ton parfum, mélange de peau chauffée par le soleil et d’une rosée de sueur qui entourait ton corps comme un halo de lumière. J’ai parfois besoin de cligner des yeux et de secouer la tête, plusieurs fois, pour dissiper ces images, ces sensations d’un autre temps. J’imagine qu’elles ne disparaîtront jamais totalement ? De toute façon, je ne le souhaite pas. Car tu as été, tu es, et tu resteras, mon premier amour.
Étiquette : inspiration
Un grain de folie – C. Bukowski
» Certains ne deviennent jamais fous… Leurs vies doivent être bien ennuyeuses. »
Charles Bukowski
Je suis persuadée que TOUS les êtres humains ont en eux une part d’artiste. Une facette créative qui ne demande qu’à être libérée pour apporter de la couleur dans nos vies en noir et blanc. Mais sur le curseur de la santé mentale, il semble assez clair que cette étincelle de vie se trouve moins proche du raisonnable que de la folie.
Alors, cette semaine, soyons fou et créeons! 😉
Bilan lecture de Mars 2020
Salut à toi, ami.e des Lettres,
Ce mois-ci, j’ai terminé 4 livres TRÈS différents: 1 roman, 1 récit autobiographique (je les adore !) et 2 BD. Je t’en parle en quelques mots et une vidéo, pour te donner une impression 3D de ces univers dans lesquels j’ai eu le plaisir de voyager ses dernières semaines. Et toi? Tu as lu quoi dernièrement ?
Jours barbares – William **
Roman autobiographique auréolé d’un Prix Pulitzer, mais ce n’est pas cela qui m’a décidé à me lancer dans le flux et le reflux de ces plus de 500 pages. Ce qui m’a attiré, c’est l’histoire d’une obsession. L’histoire d’un homme, au parcours de Grand Reporter dans les endroits les plus dangereux du monde, qui consacre un livre entier à sa passion : le surf. Cette addiction qui a pris possession de son âme et dont il n’a assumé l’existence au grand jour que très récemment. Car à ses yeux, surfer pouvait nuire à son image et sa crédibilité en tant que journaliste. Il est vrai que l’on parle des années 1950 à nos jours et la perception de ce sport à beaucoup évolué depuis quelques années. Ce qui m’a attiré, c’est ce rapport à l’océan et à l’insaisissable. La lecture de ce livre s’est faite sans réel effort et pourtant, je reste sur ma faim, un peu déçue par la simplicité de ce récit chronologique dans lequel je n’ai pas trouvé les explications ou même les émotions que j’attendais. Je ressors de cette lecture, comme bousculée par les vagues successives de ce parcours, mais sans les sensations de fatigue mêlée d’exaltation que j’espérais ressentir. Je n’ai sans doute pas accroché avec l’écriture tout en retenu de Mr Finnegan. Je me sens bien plus touchée par son visage ridé encore émerveillé par ces moments, lorsqu’il les raconte à la camera.
Just Kids – Patti Smith ****
Je ne suis pas très rock. En terme de goûts musicaux, je veux dire. Je fais régulièrement des tentatives et j’apprécie certains morceaux, mais cela n’est pas la musique vers laquelle je me tourne naturellement. En revanche, je reste en admiration béate devant de nombreux chanteurs et chanteuses de rock. Une énergie créative inégalable que je trouve d’une grande inspiration. Des personnalités souvent hautes en couleur, dont la vie en elle-même est une œuvre à part entière et dont les textes écorchés percutent une partie de mon amie, meurtrie comme eux. Kurt Cobain, David Bowie, Keith Richards, Mick Jagger, Janis Joplin, Courtney Love, Patti Smith,… Autant de destins incroyables et d’artistes de talent dont la créativité déborde et éclabousse avec une intensité incroyable. Patti Smith représente pour moi l’une de ces forces de la nature et j’ai énormément apprécié de découvrir les coulisses de son intimité. Ce que j’ai découvert est bien loin de ce que je m’imaginais, mais pas moins galvanisant, bien au contraire ! Je suis tombée sous le charme de cette simplicité, cette générosité de cœur, cette humilité naturelle et surtout cette sensibilité à la beauté qui m’a profondément touché. Première lecture d’un livre de Patti Smith, et certainement pas le dernier ! Je rêve maintenant de me plonger ses recueils de chansons et de poésie !
Le serpent d’eau – Tony Sandoval ****
Une magnifique découverte que l’univers onirique et tendrement sombre de Tony Sandoval. Le mois dernier, je lisais « Mille Tempêtes » et ce mois-ci, je n’ai pas résisté à l’appel du « Serpent d’eau ». Je me suis laissé envoûtée par le style singulier de cet auteur : des traits fins, pleins de poésie, et une hypersensibilité au monde, le visible et l’invisible, que l’aquarelle retranscrit avec beaucoup de délicatesse. Les histoires de Tony Sandoval constituent pour moi comme des bulles de songes dans lesquelles je me laisse flotter, l’espace d’un instant. Un moment irréel et émouvant. L’histoire est à la fois simple et profonde, tout ce que j’aime. Mon seul regret, mais qui pourrait s’appliquer à beaucoup de BD, c’est que j’ai trouvé cette parenthèse trop courte. Mais j’imagine que ce n’est pas vraiment une critique !
Rendez-vous à Phoenix – Tony Sandoval ***
Et oui, vous allez vous y faire, quand j’apprécie un auteur, je passe souvent en mode obsessionnel ! 😉 En tout cas, je m’intéresse souvent à l’auteur ou l’autrice derrière l’œuvre et cette BD a répondu à ma curiosité. En effet, rien à voir, en terme d’ambiance et surtout d’histoire, avec les autres BD de cet auteur, puisqu’il s’agit ici d’un récit autobiographique. Tony Sandoval est un scénariste et dessinateur mexicain qui a du émigrer illégalement de son pays pour espérer vivre ses rêves d’auteur. Et c’est ce moment charnière dans sa vie et sa carrière que l’auteur a décidé de nous partager. À l’heure ou les mouvements de migration humaine sont plus que jamais d’actualité, je trouve important de comprendre l’impact émotionnel que représente pour un migrant le fait de fuir son pays pour tenter une autre vie ailleurs. Cette BD nous raconte l’un de ces ponts vers cette vie lorsqu’elle nous échappe dans son propre pays.