« Quand une porte de bonheur se referme quelque part, une autre s’ouvre ailleurs, mais souvent nous passons tellement de temps à regarder la porte qui vient de se fermer que nous ne voyons pas cette deuxième porte qui s’est pourtant ouverte pour nous. »
Helen Keller
Étiquette : Ecriture & Potentiel
Une fille c’est pas pareil
Une petite fille est née. C’était à la toute fin de l’été. Elle était très attendue dans cette famille de garçons. Les parents ravis d’avoir enfin une fille. Un échange anodin, les félicitations d’usage. Et puis ce dialogue qui s’impose, comme un disque qui démarre dans ma tête. Un dialogue patchwork de toutes ces petites phrases banales que l’on entend à la naissance d’un enfant. Des phrases qui sont dites sans trop y penser et qui, à la longue, créent une réalité.
– Elle est si calme, en même temps c’est normal : c’est une fille.
Incompréhension. Comme si une fille ne pouvait pas être turbulente. Avoir de l’énergie à revendre. Comme si un garçon ne pouvait pas être serein. Apaisé au fond de son couffin. Je ne peux m’empêcher de faire mon poil à gratter :
– un garçon ça peut être calme aussi…
– Peut-être, mais une fille, c’est pas pareil. Une fille, on a envie de la dorloter, de la câliner et de la protéger. Un garçon, on sait qu’il est fort, qu’il se débrouillera.
Stupéfaction. Moi qui croyais que tous les bébés avaient besoin d’être dorloté, câlinés et protégés. Mais qu’est-ce que j’en sais?
– Un bébé me parait tout de même un peu jeune pour savoir se débrouiller, non?
– Ce que je veux dire, c’est que naturellement on se fait moins de soucis pour un garçon. Une fille, c’est pas pareil. Il faut être présent, être derrière elle, au cas où. Heureusement ses frères seront la pour la protéger et puis un jour elle rencontrera un mari qui pourra prendre le relais.
Agacement qui vire à la colère. Vous saviez que la colère, c’est l’émotion qui sert à poser les limites? Je me sens insultée, agressée par cette dernière remarque. Le relais? Le relais de quoi? On me dresse le portrait d’une femme incomplète, assistée, que je n’ai pas envie de laisser passer. Alors la lutte commence. Intérieure, pour ma plus grande honte. Est-ce le bon moment? Le bon endroit? Est-ce que ça en vaut la peine? Est-ce que ma réaction va changer quelque chose? Et pendant ce temps là, la discussion s’enlise dans une boue dont nous n’arrivons plus à nous extirper.
– Et puis un jour elle deviendra mère à son tour et le cycle recommencera, c’est sans fin.
Sans fin que les filles auront besoin d’être protégées par des hommes débrouillards et forts. Sans eux, elles ne pourraient pas devenir femme ? Sans eux, elles ne pourraient pas devenir mère. Est-ce que l’on ne confond pas un peu les deux ?
Je lui ai offert un lapin bleu. En espérant que cette petite transgression l’autorise à être simplement et pleinement elle-même.
Changer de regard – John O’Donahue
« Chacun d’entre nous est responsable de sa façon de regarder le monde… et la façon de regarder détermine aussi ce que nous voyons. « Voir » ne peut pas être réduit à l’acte banal de « regarder »: cette faculté est directement liée à l’âme. Quand l’âme est sensible à la beauté, alors nous commençons à voir la vie avec un regard curieux et plein de vitalité. Une fois que notre ancienne façon de voir a été déconstruite, des possibilités sans borne s’offrent à nous. »
John O’Donahue