J’étais là, j’avais pris rendez-vous comme chaque année, et d’habitude ils étaient tous tellement contents de me voir. J’avais sorti mon plus beau costume, je m’étais vraiment réjoui à l’avance et puis… rien. Personne pour m’accueillir, ou si peu en comparaison de ce à quoi je m’attendais. Je ne vais pas vous mentir, j’étais déçu, et un peu désorienté. Je ne savais plus trop comment me comporter. Est-ce que je pouvais tout de même m’installer ? A priori personne ne m’en empêchait, et j’avais travaillé si dur pour être prêt à temps pour la date prévue ! Alors, dans un silence inhabituel, je me suis avancé sur la scène pour démarrer le récital. Malgré cette situation inattendue, malgré la désertion de mon public, si enthousiaste d’ordinaire. Mais où étaient-ils donc tous passé? Plutôt que de trop m’inquiéter, j’ai décidé de commencer. Ils allaient bien finir par arriver ! J’ai d’abord libéré un souffle frais, légèrement tiédis par les rayons du soleil, qui eux, pourtant, étaient au rendez-vous. Cela m’a rassuré, alors j’ai continué. J’ai entonné mon premier chant, celui que les graines, encore enfermées dans leur coquille, adorent. Chaque année, elles attendent ce morceau comme un signal. L’autorisation d’écarter les dernières couches d’écorce pour germer. J’aime beaucoup ce moment, j’ai le sentiment d’être un charmeur de serpent. Les brins d’herbe s’élèvent doucement vers le ciel en ondulant. Ils me remercient d’accompagner ainsi leur danse et chaque année, je me régale de les voir lentement se déployer. En parallèle, j’appelle, presque en chuchotant, mes amis les insectes. Pour eux aussi, le réveil est parfois compliqué, alors j’y vais progressivement. D’abord les moucherons, puis les abeilles et ensuite les papillons. Aaaah les papillons font souvent un peu leur timide, ils attendent que la danse des fleurs soient lancé pour s’avancer. Ils ont peur de leur voler la vedette. Ils sont tellement attentionnés avec les fleurs. Ce sont un peu leurs amoureuses, alors ils prennent soin de leurs états d’âme, et je sais de source sure qu’elles apprécient. La journée s’est déroulée, j’ai suivis le programme à la lettre et qu’elle surprise, vers vingt heure, de voir tous mes amis se mettre au balcon pour nous applaudir! J’ai trouvé cela si charmant. Ils s’étaient tous cachés pour nous faire la surprise ! Mais au bout d’un instant, j’ai pris conscience que ce n’était pas moi qu’ils remerciaient, pas notre récital qu’ils saluaient. J’ai compris que mes amis humains traversaient une sorte de crise et cela m’a beaucoup peiné, mais j’étais aussi tellement triste de constater qu’ils m’aient à ce point oublié. Ils m’avaient zappé, pas de sacre pour Mr Printemps cette année ? J’étais tout de même un peu vexé, et en même temps, c’était une vraie leçon d’humilité. Alors, je décidé de leur pardonner et c’est là que j’ai pu apprécier ce silence qui laissait plus d’espace aux oiseaux de chanter, aux abeilles de butiner, aux papillons de s’élancer. Je me suis délecté de cet air pur qui permettait aux parfums de la terre, des feuilles et des fleurs de se diffuser dans l’air comme jamais. Au final, c’était un sacre sans précédent, mais qui ne manquait pas de beauté dans sa singularité.
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L’éveil
Je me suis réveillée ce matin et n’ai pas osé ouvrir les yeux. Je sentais comme une présence autour de moi et tous mes sens étaient en éveil. En tâtonnant, sans en avoir l’air, j’ai pris conscience que j’étais enfermée et pas qu’un peu ! J’avais juste l’espace pour bouger mes membres, mais rien d’exaltant ou qui puisse s’apparenter à un réel mouvement. J’ai fini par me sentir tellement oppressée que j’ai ouvert les yeux, mais cela n’a pas changé grand-chose. Une lumière, lointaine, me parvenait sans pour autant éclairer cet espace dans lequel je me retrouvais confinée malgré moi. Mais que se passait-il ? Où étais-je ? Une petite voix en moi me disait de me calmer, que tout allait bien et cela m’empêchait de complètement paniquer, mais concrètement : j’étais prisonnière ! Un bruit de plus en plus assourdissant a envahi mes oreilles et c’est quand j’ai pris conscience que c’étaient les battements de mon propre cœur que j’ai pu retrouver un semblant de lien avec la réalité. Mais j’avais du mal à me calmer et mon cœur frappait si fort dans ma poitrine ! Une crise de panique, de folie, commençait à me secouer de toute part. Alors, j’ai essayé ces exercices de méditation que j’ai appris. J’ai fermé les yeux et me suis concentrée sur ma respiration. Sur mes sensations. En essayant de ne pas renchérir sur les montées d’angoisses que je sentais enserrer ma poitrine par vague. Ma respiration, et les parties de mon corps que je sentais crispées. Je fixais mon attention sur ces endroits pour les détendre. Observer sans intervenir. Rester dans l’équanimité. Le moment présent. Ma respiration. Toujours. Et je me raccrochais à cette confiance sourde que je percevais faiblement, mais distinctement au plus profond de moi. Cette conviction que je pouvais dépasser ça. Quoi que soit ce « ça ». Quand tout à coup, quelque chose a lâché. J’ai senti mes membres se détendre et les douleurs qui me parcouraient le corps se dissiper comme par magie. Je me sentais couler, comme dans un bain tiède et bienfaisant. Puis soudain, la lumière, aveuglante, mais tellement douce sur mon visage. J’ai refermé les paupières un instant pour m’habituer à cette nouvelle intensité. Et quand je les ai rouverts, j’ai vu un magnifique jardin. J’ai avancé vers cette vision de paradis et c’est alors que j’ai senti une libération incroyable. Mon corps pouvait enfin prendre toute la place dont il avait besoin et en regardant derrière moi, j’ai vu se déployer mes ailes, immenses et colorées. J’étais abasourdie. Comment ? Un papillon ? Moi ? Un parfum délicieux parvenait jusqu’à moi et m’invitait à m’envoler. À me lancer dans la vie sans perdre un instant de cette journée qui s’offrait…
Journal d’écriture : Changement de cap
Comment allez-vous ? J’espère que votre semaine s’est bien passé, malgré le confinement. Est-ce qu’elle a été créative ? Pour ma part, il semble que cette situation ait eu un impact plutôt positif sur mon travail. Ces conditions particulières m’ont poussé à m’organiser différemment et cela a sans aucun doute influencé ma décision de revoir entièrement mon projet de premier roman ! Je crois qu’un tel changement de cap nécessitait une prise de recul que cet isolement forcé a favorisé ! Car cela faisait plusieurs semaines que j’avais la sensation que mon projet mûrissait dans ma tête, bien au-delà du travail d’écriture que je continuais à fournir. Je sentais confusément qu’un élément important me manquait pour comprendre pourquoi je me sentais éternellement insatisfaite de la direction que je prenais dans mon récit. Et c’est lors d’une discussion avec un ami, que l’information a commencé à faire son chemin : les événements de ma propre histoire, dont je m’inspire pour créer celle de mon roman, ne sont peut-être pas aussi révolus que je le pensais ! Après réflexion, ce passé apparaît encore étroitement lié à mon présent et dans ces conditions, difficile pour moi de prendre le recul nécessaire à la création (Voir mes résistances pour lacher le réel). Je suis à la fois l’auteur et le sujet de mon histoire. Une situation complexe et peu propice à l’élaboration de mon projet, comme si je m’efforçais de construire sur un sol encore mouvant. Cette prise de conscience à fonctionné sur moi comme un déclic et une décision inattendue s’est alors imposée à moi : mettre le projet en stand by. Vous me direz, c’est quand même dommage de suspendre l’écriture de mon roman alors que je n’ai jamais eu autant la paix pour l’écrire ! Pourtant ce n’est pas ce qui me préoccupe au au moment de prendre cette décision, mais plutôt ce doute très dérangeant qui subsiste : est-ce que je ne suis pas juste en train de succomber à une nouvelle résistance ? Est-ce que j’abandonne définitivement ce projet ? C’est possible, je n’ai aucune certitude. Mais à ce stade, il est devenu essentiel pour moi de tenter de faire la distinction entre persévérance et obstination. Depuis plusieurs mois, j’ai persévéré, mais ce nouvel éclairage me pousse à faire preuve d’une plus grande flexibilité. D’essayer autre chose, au risque de me tromper. J’ai décidé de suivre cette intuition qui me dit de laisser à cette histoire plus de temps et d’espace, de la laisser respirer, et moi avec. Est-ce que cela veut dire que je n’écris plus ? Que j’ai renoncé à mon rêve ? Certainement pas. Car depuis le début de cette aventure créative, j’ai trois projets bien identifiés dans ma tête, trois balises sur le chemin que je me suis tracé pour me lancer en tant qu’écrivaine. J’ai donc jugé qu’il pouvait être plus avisé de redistribuer les cartes afin de changer l’ordre de création de mes projets. J’ai soigneusement rangé toutes mes notes relatives à ce « premier » projet, et sortis le carnet où j’avais rassemblé celles pour le deuxième. Et depuis lundi, je travaille à ce nouveau projet. Un projet qui n’a rien à voir avec ma propre histoire et qui m’offre enfin la liberté que je ne connaissais pas de tout inventer… ou presque. Car les premières bribes de cette histoire me sont apparu en rêve, il y a déjà plusieurs années. Il a d’ailleurs été très étonnant de voir le reste de l’histoire se révéler cette semaine, au cours de l’écriture du scénario qui m’a occupé ces derniers jours. J’ai eu le sentiment de faire l’expérience de déterrer un trésor comme dans une fouille archéologique, partant de ce qui affleurait en surface pour découvrir ce qui était encore enterré, comme le décrit Stephen King dans « Écriture, mémoire d’un métier ». Cette première semaine m’a donc plutôt conforté dans mon choix, mais les débuts sont toujours enthousiasmants, alors je vais éviter de crier victoire trop vite. Surtout que comme tu le sais, l’écriture d’un roman est une course de fond alors, je reste concentrée. Qui vivra verra. Et vous ? Ça vous est déjà arrivé d’arrêter un projet en cours de route ? De le reprendre plus tard ?