J’ai passé presque vingt ans en entreprise. Et pendant de longues années, je croyais avoir trouvé un bon équilibre entre mon travail et ma vie privée. Je dois reconnaître, qu’à l’époque, je ne me connaissais pas beaucoup, je n’avais aucune idée de ce que je voulais de la vie, et encore moins de la façon dont je souhaitais la faire évoluer. L’entreprise m’apportait une réponse toute faite à ces questions que je n’osais pas me poser. Le statut de salarié m’a offert ce cadre rassurant dans lequel tout était prédéfini. J’avais un rôle attribué, un code de conduite clairement établi, et des perspectives d’évolution, qui me permettaient de me sentir en sécurité. Pendant plus de dix ans, j’y ai trouvé un équilibre, dont je ne me doutais pas un instant qu’il était précaire.
En 2009, la vie m’obligeant à repartir de 0 dans mon parcours personnel, cet équilibre a été brutalement rompu. Car même si, à l’époque, j’ai tout fait pour que mes problèmes personnels n’interfèrent pas avec ma « bulle professionnelle », je me suis rendu compte à quel point la frontière entre les deux était illusoire. On nous répète qu’il est sain de ne pas mélanger le personnel et le professionnel, mais cette année d’épreuves m’a montré que cette injonction était non seulement culpabilisante, mais surtout déshumanisante. Car, qu’on le veuille ou non, vivre consiste, justement, à être affecté par les événements qui nous arrivent. Que ces événements prennent leur origine dans le cadre professionnel ou personnel, ne change rien à la force des émotions qu’ils génèrent. Et nous demander d’ériger un mur entre les deux, c’est nous demander de renoncer à notre humanité. Prendre conscience de cette réalité et l’accepter, a été pour moi le début du long chemin qui m’amène aujourd’hui à l’entrepreneuriat. Car quel plus beau projet que de concilier sa personnalité à son travail ?
« Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie. »
Confucius
En me retrouvant dans l’obligation de me réinventer dans ma vie personnelle, étonnamment, le cadre de ma vie professionnelle ne m’est plus apparut aussi épanouissant. Je me suis sentie comme ces adolescents qui prennent dix centimètres en un été. A la Rentrée, rien de ce qu’ils connaissaient n’est véritablement le même, car prendre dix centimètres brutalement, change complètement de perspective. Et c’est ce qu’il s’est passé pour moi. Certaines des situations qui auparavant m’étaient habituelles, sont devenues étrangement inconfortables. Les règles de fonctionnement que je trouvais si rassurantes, m’ont progressivement paru étouffantes. Les missions que l’on me donnait se sont vidées de leur sens. Ce processus ne s’est pas fait en un jour, mais il n’en a pas moins été irréversible. Et, année après année, une question simple est apparue dans mon esprit, et ne m’a plus quitté :
« Comment serait ma vie, si j’étais mon propre patron ? »
J’ai mis longtemps avant de tenter concrètement d’y apporter une réponse, car j’avais désormais conscience que cela engageait ma vie au sens large. Aujourd’hui, cela fait deux ans que je me suis formée au Coaching, et environ un an que j’ai quitté mon emploi pour me lancer dans l’Aventure, et je commence seulement à saisir l’ampleur du bouleversement identitaire que représente le fait de passer du salariat à l’entrepreneuriat.
Sans ligne de conduite édictée par une entreprise, l’entrepreneur est seul face à lui-même pour décider de sa posture, de la direction de son business, de sa relation client. Non seulement il n’existe plus de frontières claires entre personnel et professionnel, mais le personnel se retrouve au coeur du processus visant à créer un business qui ait du sens pour soi. Le seul outil de travail, qui ait vraiment de la valeur pour un travailleur indépendant, c’est lui-même. Il devient alors fondamental de se connaître, et l’expérience me montre, chaque jour, combien cela demande de prendre son temps. Et je dois reconnaitre que, pour quelqu’un d’habitué à être productif comme on l’apprend en entreprise, ce rythme est très frustrant. Depuis un an, j’ai expérimenté énormément de choses, et j’ai eu le sentiment de me découvrir sur bien des aspects. Savoir composer avec ses qualités, ses limites, ses convictions, ses doutes, c’est ce qui construit mon activité au quotidien. Le coeur du métier que je crée sur mesure, se révèle un peu chaque jour. La connaissance de soi, l’expérimentation, la réflexion, la digestion, constituent autant de facettes d’un processus organique lent, mais fascinant. Je découvre, de l’intérieur, comment la chenille devient papillon, et ce n’est pas sans une bonne dose de stress ! 😉 À ce stade, je sens bien qu’il est encore compliqué pour moi de présenter mon activité de manière simple. Et à la question :
« Qu’est ce que vous faites dans la vie ? »
J’aurais envie de répondre :
« Je fais de mon mieux. »
Et vous ? Comment vous positionnez vous par rapport à votre travail ? Est-ce que vous considérez ce que vous faites comme un part de votre identité ?