Ce jour là, j’avais décidé de ne rien faire. Je me suis levée et laissée guidée vers ma table à dessin. Enfin, techniquement, c’était mon bureau, mais ce matin là c’était devenue ma table à dessin. J’étais animée d’une mission soudaine. Une impression fugitive me venant d’un rêve que j’avais dû faire dans la nuit. Un reste embrumé, encore accroché à moi par je ne sais quel bout de mon pyjama. Alors je ne me suis pas habillée. Histoire de pas le laisser s’échapper. Je me suis installée sur le fauteuil et j’ai sorti carnet, crayons et palette de couleurs. La matière première à la mise au réel de ce fragment de rêve. Et ce sont d’abord les couleurs qui se sont imposées. Puis, rapidement, une image est venue se superposer. Une femme, sublime, parée de bijoux somptueux. Cléopatre, période Elisabeth Taylor. Dans un flash, j’ai reconnu une photo aperçue dans Vogue, un modèle auquel me raccrocher. Débute alors une danse étrange entre le modèle et le papier. Mon corps tout entier est engagé. Une danse hypnotique qui me fait oublier le temps et l’espace. A chaque respiration, la déesse se révèle un peu plus sur le papier aquarelle. Comme l’aurait fait une photo argentique, sortie du négatif de la pellicule. Absorbée par la réalisation de ma création, je plonge et perds pied dans les mélanges de couleurs. A la recherche de celle qui saura retranscrire cette sensation éphémère qui se fait de plus en plus lointaine. Je suis toute entière à ma tache et pourtant, je n’ai pas l’impression de produire quelque chose, mais plutôt de me laisser glisser dans un monde parallèle. Un monde dans lequel ma création finale n’est qu’une partie infime de ce que je vis. Car ce qui m’anime c’est d’être, au présent, comme jamais auparavant. Je m’incarne pour ne plus rien faire d’autre que d’être et cela rempli tout l’espace.
Très beau texte sur le processus de création qui transcende l’artiste et sur l’inspiration. Un plaisir à lire.
Merci Olivier!